Lutte contre le terrorisme sur Internet : le flou des propositions d’Emmanuel Macron et Theresa May

By Unknown - juin 14, 2017



La première ministre britannique et le président de la République ont présenté une série de mesures sans détailler leurs modalités.





Une rencontre, un dîner de travail et un match de football : la première ministre britannique, Theresa May, s’est longuement entretenue, mardi 13 juin, avec Emmanuel Macron, pour évoquer principalement les questions de lutte contre le terrorisme. Résultat, annoncé par le biais d’un communiqué du président de la République dans la soirée : un « plan d’action très concret » de lutte contre la propagande terroriste en ligne, articulé autour de trois points principaux.


Mais les mesures envisagées par les gouvernements français et britanniques soulèvent de nombreuses questions.
  • Durcir les règles de modération sur les réseaux sociaux
Ce que l’Elysée a dit :
« [Ce projet] vise d’abord à renforcer les engagements et les obligations des opérateurs en ligne, afin de supprimer les contenus qui promeuvent, dans tout type de média, la haine et le terrorisme. Il y a aujourd’hui des engagements qui ont été pris, ils ne sont pas suffisants. Theresa May rappelait très justement, il y a quelques semaines, à Taormina, que ce sont durant les deux premières heures que près de 50 % des potentiels terroristes, en tout cas des esprits qui peuvent être manipulés, sont touchés par cette propagande, quand aujourd’hui les engagements pris sont mis en œuvre seulement dans les 48 heures. »

POURQUOI C’EST FLOU


Aujourd’hui, la loi française oblige les entreprises qui hébergent des contenus sur Internet, dont les réseaux sociaux, à supprimer sous quarante-huit heures tous les contenus « manifestement illégaux » qui leur sont signalés. Ce délai peut paraître long, mais il est le fruit d’un compromis complexe issu des négociations de la Loi sur la confiance dans l’économie numérique, en 2004.

Dans certains cas, les géants du Web ont pris des engagements pour modérer dans un délai plus court les contenus qui leur sont signalés. En 2015, par exemple, après un vaste débat public en Allemagne sur la prolifération de messages appelant à la haine sur les réseaux sociaux, au moment où le pays accueillait des centaines de milliers de réfugiés, Facebook avait promis de modérer ces messages dans un délai de vingt-quatre heures après des discussions avec le gouvernement.

Mais le principal reproche que font utilisateurs et gouvernements à la modération des grandes plates-formes porte surtout sur l’efficacité des signalements, et non sur les délais : plusieurs études réalisées dans tous les pays d’Europe, ces deux dernières années, avaient montré que le taux de messages effectivement modérés après un signalement était très loin des 100 %, avec d’importantes différences selon les plates-formes – Facebook étant le meilleur élève, loin devant YouTube et surtout Twitter.

Ces derniers mois, le taux de modération des plates-formes a cependant progressé, comme le montre la dernière vague de mesures réalisée par la Commission européenne. Cette amélioration est intervenue dans un climat très tendu entre les réseaux sociaux et plusieurs gouvernements européens, notamment au Royaume-Uni et en Allemagne, qui avaient menacé de légiférer et d’imposer de lourdes amendes à ces entreprises si elles ne faisaient pas davantage d’efforts en la matière. Facebook a par ailleurs annoncé au début de mai qu’il embaucherait 3 000 modérateurs supplémentaires d’ici un an.

Le contexte est donc plutôt favorable pour imposer aux réseaux sociaux des règles plus contraignantes. Mais Emmanuel Macron est resté très vague sur ce qu’il comptait obtenir, et la manière de le faire : un changement de la loi, ou une négociation avec les réseaux sociaux ? De leur côté, les géants du Web privilégient historiquement les accords de gré à gré. « Nous travaillons de manière active pour supprimer les contenus terroristes de notre plateforme dès que nous sommes informés de leur existence, et en cas de menace imminente pour la sécurité des personnes, nous avertissons les forces de l’ordre », rappelle un porte-parole de Facebook. « L’extrémisme sur Internet ne peut être combattu qu’à travers des partenariats forts », estime le premier réseau social au monde. « Nous collaborons depuis longtemps avec les élus, la société civile, et d’autres entreprises, et nous comptons poursuivre ce travail important ensemble ».

Surtout, il ne dit pas quelles seraient les nouvelles règles qu’il souhaite imposer : sa déclaration fait uniquement allusion à une fenêtre de deux heures de temps, évoquée par Theresa May, pendant laquelle « près de 50 % des potentiels terroristes seraient touchés par cette propagande », sans que l’on sache d’où la première ministre britannique tire ce chiffre. Or, si réduire la durée de modération de quarante-huit heures à vingt-quatre heures est coûteux pour les entreprises du Web mais tout à fait possible, la passer à deux heures présente des défis autrement plus complexes et il y a fort à parier que ces dernières se montreront beaucoup plus réticentes à appliquer « volontairement » une fenêtre de cet ordre.

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